L’asphalte jusqu’à Sierpe se transforme en piste après avoir traversé le Rio du même nom. Il faut ensuite traverser une jungle foisonnante de vie, passer plusieurs rivières à gué et se faire chahuter par les ornières pendant 2 heures pour enfin découvrir la baie de Drake. Il est aussi possible de prendre un petit bateau à Sierpe pour rejoindre Drake plus facilement.
Drake : un village au bout de la piste
Dans les années 80, la péninsule d’Osa n’était encore qu’un territoire sauvage, sillonné uniquement par des chercheurs d’or, des aventuriers et quelques âmes égarées. Le gouvernement, dans un élan d’audace, proposa un deal surprenant : chaque pionnier se voyait offrir quelques hectares de terres cultivables, à condition de préserver 40 hectares de forêt.
Nous entamons donc notre expédition motorisée depuis Sierpe : 50 kilomètres de piste cabossée, deux heures de conduite hasardeuse le long du río et de ses mangroves, que je scrute pour tenter d’apercevoir une colonie de saïmiris jouant dans les branches. La jungle, tantôt noyée sous une fine pluie tropicale, tantôt transpercée par un arc-en-ciel, dévoile toute sa magie.
Un couple de toucans tocards nous gratifie d’un concert de « tee de, te-de, te-de », tandis qu’un Tangara du Costa Rica file comme une flèche rouge entre les gouttes. Plus placide, une buse à gros bec encaisse la pluie stoïquement. Dans les rares prairies dégagées, chevaux et vaches paissent tranquillement entre de majestueux palmiers, surveillés du coin de l’œil par des grandes aigrettes et des ibis blancs.




Après avoir traversé trois rivières à gué (et survécu !), la jungle finit par s’ouvrir sur l’embouchure du río Aguajita, où l’eau boueuse se jette dans le Pacifique. Mais une dernière épreuve nous attend : une traversée à gué plus corsée que les autres. Nous retenons notre souffle… et notre Jimny, fidèle destrier, s’en sort comme un chef !

Arrivée au Paradis des pauvres
Nous atteignons enfin le village de Drake, où tout tourne autour du parc national Corcovado et de Isla Del Cano. La plupart des voyageurs n’y font qu’un bref passage, le temps d’organiser leurs expéditions. Nous, on décide de poursuivre l’aventure : 25 minutes de piste supplémentaire, deux traversées de rivières et une glissade incontrôlée sur une pente boueuse plus tard, nous débarquons enfin chez la famille Amaya, au bien nommé Paradis des pauvres.
L’accueil est chaleureux, bien que teinté de stupeur : la grand-mère nous regarde comme si on venait de traverser l’Amazonie en trottinette. On comprend vite pourquoi : ici, la plupart des touristes arrivent en bateau depuis Sierpe, évitant ainsi les frayeurs routières. Mais ils doivent ensuite dépendre du lodge pour les repas et les excursions… et ça, ce n’était pas vraiment dans notre budget.
Les bungalows sont disséminés dans la jungle, aux portes du Corcovado, face à l’océan. Toucans et capucins nous observent depuis les palmiers. Pas de télé, pas d’eau chaude, et tout le monde déambule pieds nus. Ambiance relax, mais le personnel veille à ce que rien ne manque.

Les logements, façon Robinson Crusoé avec une touche de confort, s’intègrent parfaitement à la forêt. Le restaurant propose des repas végétariens et végétaliens, et le bar aligne une belle sélection de cocktails. Nous trinquons à notre arrivée avec des piñas coladas, les pieds dans le sable, face à un soleil rougeoyant qui embrase l’horizon. Les chaussures de randonnée sont rangées. À partir de maintenant, nous vivrons pieds nus.

Colibris, Capucins, Aras et Tortues aux portes du Corcovado
5h30 du matin, la jungle s’éveille… bruyamment. Une bande de capucins surexcités s’invective dans les hauteurs des arbres. Sautant d’une branche à l’autre, disparaissant et réapparaissant à l’opposé, ils transforment la canopée en terrain de jeu. L’occasion est trop belle : quitte à être réveillée, autant en profiter. J’enfile mes baskets et pars courir sur la plage.


À cette heure, seuls les pélicans semblent vouloir partager l’océan avec moi. Ils glissent majestueusement au ras des vagues, surfant sur l’air marin. La plage, encore embrumée, se dévoile sous des teintes rosées à mesure que le soleil s’élève.
À 6h30, je retrouve Hubert pour une session photo. Notre objectif est de capturer les colibris dans la lumière dorée.


Nous passons par le centre de sauvegarde des tortues Rascarey. Entre juin et décembre, les bénévoles y protègent les œufs, surveillent les naissances, entretiennent la ferme et sensibilisent les visiteurs.
Sur le chemin du retour, un Ara macao flamboyant capte tous les regards. Il trône fièrement à l’entrée de la plage, grignotant des amandes.


Snorkeling à Playa San Jocesito
Nous voilà repartis, cette fois avec masque et tuba, direction Playa San Josecito, à 1km au nord. Le sentier suit le littoral, ponctué par les facéties des capucins à épaule blanche.


À peine immergés, de grosses vagues nous chahutent, rendant l’exploration sous-marine difficile. Une silhouette furtive traverse mon champ de vision : une tortue de mer ! Mais elle disparaît aussi vite qu’elle est apparue. La visibilité est mauvaise, et malgré nos tentatives de nous abriter de la houle en nous rapprochant de l’îlot en face, nous devons nous contenter d’observer quelques demoiselles et balistes dans les coraux.
Aux portes du Corcovado, à San Pedrillo
Nous sortons de l’eau sous une pluie chaude. Nous repartons sur le sentier côtier vers le Corcovado. Il serpente à travers la jungle, longeant le Pacifique. Ponts de fortune en bois pour traverser les rivières, boue omniprésente et, pour couronner le tout, un orage qui gronde à l’horizon. Sur la plage, nous découvrons des empreintes géantes de tapir. L’orage éclate. Nous trouvons refuge sous une structure délabrée d’un hôtel abandonné. Lorsque le ciel s’éclaircit enfin, nous reprenons le sentier côtier.

Nous pataugeons, grimpons, et glissons entre cascades et criques secrètes, avant d’arriver à la Station Biologique Campanario. Ici, des étudiants de tous horizons suivent des cours et recensent la faune et la flore locales. La station propose des immersions dans la jungle de trois à neuf jours (500 à 900 dollars) pour apprendre à identifier les espèces, explorer les écosystèmes et participer à des projets de conservation communautaires.
Plus loin, la plage San Pedrillo dévoile ses eaux translucides fracassées par la houle sur des rochers basaltiques saillants. Avec un masque et un tuba, le site promet un superbe spot de snorkeling. Non loin, la Station Biologique du même nom marque l’entrée officielle du parc national, à 2,5 km de là.
Le sentier devient impraticable. La boue nous ralentit, les glissades s’enchaînent, les râleries fusent. Hubert peste dans ses tongs. Nous faisons demi-tour.
Sur le chemin du retour, des capucins ouvrent des noix de coco et un lézard géant se rafraîchit sous une cascade jouent avec les pistils de Passiflora vitifolia, tandis que des atèles passent furtivement en canopée. De retour à l’hôtel, nous décidons de pousser jusqu’à Bahía Drake pour acheter du poisson frais pour le dîner.


Drake change, la jungle reste
Le Jimny, fidèle destrier, peine sur la piste rendue glissante par la pluie. Trois tentatives sont nécessaires pour vaincre la montée boueuse. Puis viennent les rivières gonflées par l’orage. La première se traverse en diagonale, impressionnante avec son niveau d’eau montant jusqu’aux portières. Mais le Jimny s’en sort avec les honneurs.
A Drake, le changement est frappant : en cinq ans, le village s’est métamorphosé. Bars, boutiques et sodas ont fleuri, attirant de plus en plus de touristes. Un capucin à épaule blanche traverse la route en funambule sur une ligne électrique, preuve que, malgré l’urbanisation, la nature reste omniprésente.
Depuis la baie de Drake, nous empruntons le Drake Bay Hiking Trail. Ce sentier jungleux mène aux plages de Cocalito (1,5 km) et Ricolito (2 km).

Nous traversons le Rio Agujita sur un pont de singe : le fleuve est peuplé de nombreux crocodiles, baigner y est une très mauvaise idée.
Sur la route du retour nous faisons une petite pause à Playa Las Caletas, havre de paix accessible aussi par un sentier côtier depuis Drake.


Rochers basaltiques battus par les vagues, sable caressé par l’écume blanche, cocotiers et raisins de mer offrant une ombre bienvenue. Quelques poneys en liberté galopent sur la plage, sous l’œil d’un Ara macao.


Nous avons rendez-vous pour un treck nocturne au départ de Drake. On vous raconte l’expérience ici, avec les espèces rencontrées (araignées, serpents, grenouilles…). Puis, nous repartons, seuls, de nuit, à l’affût des grenouilles et des félins. Soudain, une silhouette furtive traverse le chemin. Un ocelot ? L’idée me plaît. Nous stoppons le 4×4 sur le pont du Río Agujita et scrutons la rivière à la lampe torche. Les yeux d’araignées brillent dans le faisceau de la lampe torche. Deux kinkajous bondissent de branche en branche. Une grenouille détale devant les phares. L’idée de retraverser les rivières en pleine nuit ne me réjouit guère, mais un couple de voyageurs se joint à nous, et nous nous lançons ensemble. Tout se passe bien… sauf la dernière descente, où nous glissons dangereusement. L’avenir nous dira si nous réussirons à la remonter demain !
Au programme demain, nous traversons d’ouest en est la jungle de la Péninsule d’Osa pour rejoindre Rincon et son Golfo Dulce !







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